
16 mai : 80 ans après l’insurrection gitane d’Auschwitz
Comment l’antitsiganisme façonne-t-il encore nos sociétés ? Pourquoi cette lutte reste-t-elle marginalisée dans l’antiracisme politique ?
16 MAI 1944 : INSURRECTION DES DÉPORTÉ.E.S DIT.E.S TZIGANES AU CAMP D’AUSCHWITZ
Le 16 mai 1944, au cœur du camp des familles tziganes d’Auschwitz-Birkenau, plus de 600 prisonnier·ère·s refusent de se soumettre à la « liquidation » annoncée.
Armés de pelles, de haches et de montants de lits, ils se barricadent dans leurs baraquements et repoussent les SS. Avec la révolte du Sonderkommando, il s’agit de la seule résistance armée connue du camp.
Bien que la répression ait été brutale, cet acte courageux reste un symbole de dignité et de lutte contre l’oppression. Aujourd’hui, le 16 mai est célébré comme la Journée de la résistance rom.

RACISME ENVERS LES PERSONNES DÉSIGNÉS ROMS : DE QUOI ON PARLE ?
Les personnes roms ou rroms constituent une large population européenne, existante depuis le Moyen âge. Les identités roms sont multiples, et selon les groupes les personnes peuvent se désigner rom, sinté, manouches, gitans, kalés,…
L’ensemble de cette population est victime de discrimination et de marginalisation, et ce depuis des siècles. La figure du rom, pour désigner des personnes roms exilées d’Europe de l’Est et contrainte de vivre en squat ou bidonville, est souvent agitée par les politiques comme figure repoussoir. Les personnes rroms sont victimes de nombreux stéréotypes, et leurs identités, souvent mal connues, sont reniées et dénigrées.
A MARSEILLE ET PARTOUT EN FRANCE, UN RACISME STRUCTUREL ET VIOLENT
En France, l’antitsiganisme est le produit d’un système colonial, d’une politique de gestion raciale des populations et d’une invisibilisation médiatique persistante.
- En février 2024, Angela Rostas, enceinte, est tuée d’un coup de fusil en Haute-Savoie.
- En juillet 2024, Maïcky Loerch, est tué par la police à Toulouse lors d’un contrôle d’identité.
- Des incendies détruisent régulièrement les bidonvilles, parfois criminels, ils sont aussi liés aux conditions indignes dans lesquelles l’Etat place ces populations.
L’ANTITSIGANISME EST VIOLENT, IL TUE, EXPULSE, STIGMATISE. IL EST POLITIQUE, CAR IL FAÇONNE LES RAPPORTS DE POUVOIR ET D’INÉGALITÉ.


DISCRIMINER ET INVISIBILISER LES ROMS AU SERVICE D’UN PROJET POLITIQUE FASCISTE
Les personnes désignées roms sont la cible d’un racisme structurel, combinant violence physique, exclusion sociale, discours haineux et politiques discriminatoires. Ce racisme n’est pas une dérive : il sert des intérêts politiques.
- Samia Ghali (PS) maire des 15e et 16e arrondissements, 2013 : « Quand les Roms s’installent quelque part, on a une recrudescence des cambriolages. »
- Guy Teissier (UMP), 2013 : « Ces gens vivent de rapine et de vol… »
- Gilles Bourdouleix, maire UDI : « Hitler n’en a peut-être pas tué assez. »

Stéphane Ravier (Défend Marseille) instrumentalise les expulsions de bidonvilles à Marseille. Il s’affiche sur les lieux, diffuse des images, parle d’ensauvagement et construit sa légitimité sur la stigmatisation des plus précaires.
En ciblant les roms, les figures politiques valident l’idée qu’il existe des populations « inassimilables », à exclure ou à effacer. Cette stratégie fabrique du consentement à la violence étatique et fais vivre le déjà-là fasciste à ces populations.
LES RESPONSABLES POLITIQUES INSTRUMENTALISENT L’ANTITSIGANISME À DES FINS ÉLECTORALES.
Les chercheuses F. Belmessous et El. Roche expliquent qu’il existe un consensus public et politique sur le fait que les désignés roms ne veulent et ne peuvent pas s’intégrer, car ils cumuleraient trop de handicaps sociaux : ce consensus fait peser la non-intégration sur la population Rom, et structure les politiques publiques qui émerge dans ce contexte-là, avec l’idée qu’au final, c’est une population inintégrable.
Les discriminations subies par les personnes roms, comme le mal-logement, sont invisibilisées. Les bidonvilles ou squats sont traités comme des problèmes d’hygiène ou des choix de vie, plutôt que comme le résultat de politiques de logement excluantes.
QUE FAIRE ?
Dans une perspective antifasciste, il est urgent de prendre en compte les discriminations structurelles et profondément ancrée dans notre société que vivent les personnes désignées comme roms. La parole des personnes rom est systématiquement invisibilisée, y compris parfois par les associations souhaitant apporter du soutien aux habitant.e.s des squats et bidonvilles, mais qui adoptent une posture de charité et condescendante. En tant que personnes non roms, il est primordial de s’informer et de ne pas parler au nom des personnes concernées.
- S’informer sur les discriminations vécues par les population rom
- Dénoncer et ne rien laisser passer
- Faire du lien avec les personnes concernées – si elles le souhaitent, s’organiser avec elleux autour des expulsions de squat et bidonvilles
RESSOURCES :
- Belmessous & Roche (2018) : comment les villes fabriquent l’exclusion en prétendant intégrer.
- Olivera : analyse critique des dispositifs pour les Roms, entre bricolages et malentendus (2013, 2016).
- Eric Fassin, “Roms et riverains” : la figure du Rom utilisée comme outil politique.
Associations :
- RomEurope
- La Voix des Rroms qui à travers le M16M tente de créer un “syndicat des bidonvilles”
Ressources militantes :
- Emission #Au Poste du 16 mai 2024
- Sud Éducation : retour sur l’insurrection gitane du 16 mai 1944
Comptes militant.es :
- @ritchy_thlt
- @aninaciuciu
- @zor.collectif